Jadav Payeng avait 16 ans le jour où, se promenant aux abords de l’île de Majuli, en Inde, il fut frappé par une scène qui le marquerait à jamais.
Sur les rives de sa plage favorite, des serpents et autres animaux pourrissaient au soleil à perte de vue. Leur bourreau ? Des crues subites, un soleil accablant et l’érosion. Les animaux, ne trouvant plus refuge, mouraient, de jour en jour, victimes de la chaleur. L’enfant constatait, impuissant, le résultat de l’appauvrissement de ces terres qu’il avait connu luxuriantes.
Son cœur bascula.
D’aucuns auraient plié l’échine, contrits.
Pas lui.
Car il n’était pas impuissant.
Les serpents avaient besoin d’ombre ?
Ok. Il planterait une bambouseraie. Ça pousse vite, même en conditions extrêmes… Elles devraient bien faire l’affaire.

Le temps passa et son idée marchait !
Pourtant, les plaines arides s’étalaient encore à perte de vue.
« Et si… ? »
Une question simple ; la clé vers un univers des possibles.
De bouture en graine, Jadev Payeng changea ce monde. Creusant, irriguant la terre de ses propres mains, il redonna à la nature tous ses droits. Seuls témoins de ce sacerdoce : ses yeux, ses muscles et le souvenir de ses efforts.
Trente ans s’écoulèrent ainsi, sous le regard indifférent d’un monde qui poursuivait sa course folle vers le progrès. Jadev était seul, sans moyens, anonyme…
Mais tellement puissant.

En 2008, un groupe de journalistes, de passage sur Majuli, s’émerveillait devant un jardin luxuriant de 550ha abritant une vaste faune de tigres de bengale, d’éléphants et de milliers d’autres espèces. Epatés par tant de richesse, ils ne crurent pas deux mots de ce que leur guide leur raconta. C’était trop gros pour être vrai. Alors la vie, avec l’un de ses clins d’œil espiègles, s’unit à la démonstration.
Sur les berges de l’une de ces plages, un homme aux mains calleuses croisa le groupe de visiteurs. Introverti et pensif, il se contenta de saluer avec la chaleur que ses aïeux lui avaient appris à partager. Et il poursuivit son chemin. Anonyme et silencieux, comme toujours.
« C’est lui ! » affirma le guide, le pointant du doigt.
« Jadav Payeng, c’est lui qui à planté cette jungle immense. »
Mais c’était trop beau pour en rester là ! Les journalistes adorent le sensationnel, le superlatif et l’extraordinaire. Ils tenaient un buzz ! Et il ne savaient pas si bien dire.
Jadav devint un héros national. Il reçut le prix Padma Shri, l’une des plus hautes distinctions civiles de son pays. Le monde lui ouvrit ses bras. Un héros des temps modernes.
Le succès frappait enfin à sa porte !
Non, pas pour lui.
Il n’avait rien demandé. Il a avait déjà fait le plus important : suivre son cœur.
