Les valeurs sont plus fortes que nous. Elles nous définissent et nous aident à trouver une place dans le monde. Elles nous aident à séparer le « bon » du « moins bon » et à nous ranger dans une communauté d’appartenance. Elles sont tellement puissantes que beaucoup sont prêts à mourrir pour elles. Combien de guerres ont-elles été menées au nom des valeurs : patrie, souveraineté, liberté…
La naissance des valeurs
Les valeurs sont des repères. Elles sont profondément ancrées et se présentent comme des convictions. Elles sont la définition subjective qu’un individu se fait de l’humain dans toute sa dignité. Elles sont toujours indissociables du contexte social et sociétal de l’individu.
Mais saviez-vous qu’elles sont filles de quelque chose de plus grand et puissance encore ?
Les archétypes sociaux.
Un archétype social est une valeur communément acceptée dans une société pendant suffisamment longtemps (au minimum un siècle). Il définit les codes comportementaux considérés comme acceptables pour vivre en harmonie dans cette dernière. Il définit aussi le monde tel que nous le comprenons.
Par exemple, l’archétype judéo-chrétien, très répandu en occident, impose la monogamie. Allez aux Etats Unis et dites à votre interlocuteur que vous avez 5 femmes ou 7 maris : vous verrez sa tête ! Vous aurez transgressé l’archétype dominant et de ce fait vous vous serez exclu de la « norme ».
Or, la norme est très subjective. Elle se construit avec une histoire, une culture, une religion et un environnement social et sociétal.
Comme les archétypes sociaux définissent votre compréhension du monde, ce sont eux qui régissent les codes comportements. Dit autrement : des archétypes sociaux découlent nos valeurs.
Par exemple, si nous restons dans l’archétype judéo-chrétien, ce dernier donne un importance particulière à la valeur famille. Vu à travers son prisme, ceci veut dire famille monogame, hétérosexuelle, issue d’un mariage uni pour la vie. C’est interprétation de la valeur « famille » faite de croyances. La subjectivité augmente. Elle sort petit à petit de l’influence sociale et sociétale pour rentrer dans un espace de plus en plus personnel. En effet, les croyances varient d’une personne à l’autre suivant son histoire, son éducation et l’environnement dans lequel elle vit ou elle a grandi.
Mais ce n’est pas tout. Si les archétypes sociaux mènent aux valeurs et ces dernières aux croyances, l’enchaînement se poursuit encore !
Car une fois des croyances bien ancrées, elles vont influencer des attitudes. Le Robert décrit une attitude comme un « comportement qui correspond à une disposition psychologique ».
Restons en occident et illustrons encore avec l’exemple de l’archétype judéo-chrétien. On va imaginer maintenant une conversation anodine entre plusieurs personnes, dont une qui se vante des infidélités à sa femme. Son collègue, fervent défenseur des valeurs familiales, posera un regard méprisant sur le vantard. Ses mots l’ont choqué car ils ont heurté ses croyances.
Et quand une attitude est fortement challengée… Elle mène à des comportements !
Si nous restons dans notre exemple, l’homme est tellement offusqué par les propos qu’il entend qui se lève de table, balance sa fourchette en plein repas et quitte la salle de restaurant en invectivant le Dom Juan.
Ses amis, ou collègues, témoins de la scène, lui diront après : « Tu dois te maîtriser. Tu es allé trop, il n’a rien fait de mal ! Tu dois revoir ton comportement ! »
Combien de fois avons-nous dit ça à un collègue ou à un salarié « Tu dois revoir ton comportement !»
Facile à dire, mais pas toujours facile à faire…
Et il y a une raison à cela…
Le rapport coercitif de cet enchainement
Récapitulons…
Les archétypes donnent naissance aux valeurs qui génèrent des croyances, qui découlent en des attitudes qui aboutissent à des comportements.
Cet enchainement n’est pas de tout cœur. Il est très coercitif. Dit autrement, les archétypes disent aux valeurs : « Vous avez intérêt à nous respecter sinon… ». Et ce ne sont pas des menaces en l’air… Après, les valeurs font de même avec le niveau suivant et ainsi de suite. L’humain n’aime pas le changement, on le sait. Mais si vous remettez en question le monde tel qu’il le comprend, ne vous attendez à rien de bon ! Toute menace à « son monde » est une menace à son territoire et à sa survie. Comme il ne connait rien d’autre, la menace ne promet que destruction sans alternative. Or, le néant est une incertitude que le cerveau abhorre. Alors il défend son pré carré becs et ongles. Une personne peut aller jusqu’à se laisser mourir plutôt que se confronter à un changement d’archétypes.
Ce n’est pas de tout cœur que l’on change tout ça !
Arriver à questionner l’impact des ses valeurs et de ses archétypes pour aller découvrir l’être humain véritable qui se cache derrière est un chemin de conscience de soi exigeant. Tout leader qui désire remettre l’humain au centre devrait s’y aventurer pour voir au-delà de ses conditionnements mais, peut-il prétendre que ses équipes fassent de même ?
Un nouveau leadership pour de nouveaux comportements
Toute injonction à « changer de comportement » a de fortes chances de faire chou blanc. Ceci sans compter que ce type d’attentes ne touche pas uniquement au cadre qui nous intéresse aujourd’hui mais intègre de nombreux leviers psychologiques en sus !
Bref… On n’est pas sortis de l’auberge !
En plus, s’il facile de dire que « tout leader devrait… », réussir à appliquer ces injonctions n’est pas une simple affaire. Alors comment faire ?
Sortir de l’exercice poussiéreux pour commencer à incarner
Il n’y a rien de nouveau avec les valeurs. On en parle depuis toujours. C’est la façon de s’en servir qui doit changer.
Ce que j’appelle l’exercice poussiéreux est le séminaire d’entreprise ou de cohésion d’équipe (les fameux « team building », un terme très à la mode jadis) où l’on définit les valeurs de l’entreprise. De là découle un moment sacralisé. On fait des affiches, de beaux cadres et on les affiche partout dans l’entreprise. Et puis c’est tout.
Le temps passe et les cadres prennent la poussière alors que plus personne ne se rappelle ce qu’ils veulent dire. Que de belles paroles…
Il m’est arrivé d’accompagner un grande entreprise dans la définition de ses valeurs. Nous avons inclus la totalité du personnel dans l’exercice, près de 1000 personnes. Nous avons mis plusieurs semaines à aboutir à un résultat qui résonnait fort chez tous. Le restitution fut un beau moment. Une fois que nous avons fini la présentation, on pouvait sentir la fierté d’appartenance dans la salle. Nous avions fait un bel exercice identitaire. C’est à ce moment que je me tourne vers le mur, que je pointe du doigt un cadre et que je demande :
« On fait quoi de ça ? »
Le cadre disait : « Les valeurs du groupe… »
Pas une seule ne ressortait dans le travail que nous avions fait.
La cadre poussiéreux que je pointais était fait de paroles en l’air que personne ne connaissait ni incarnait. Il fut vite balayé et remplacé par autre chose.
L’essentiel dans les valeurs n’est pas de les arborer mais de les incarner. Et ça commence avec un leadership par l’exemple, comme pour tout quand vous voulez remettre l’humain au centre.
Sortir des zones de flou
Ces zones de flou sont trois : l’interprétation subjective des valeurs, la conceptualisation éthérée et le manque d’actions concrètes.
Commençons par l’interprétation subjective…
Le problèmes avec les valeurs c’est que quand vous les considérez dans leur ensemble, depuis les archétypes jusqu’aux comportements, elles sont le résultat de tellement de variables subjectives que leur définition n’est valable que pour la personne qui les défend. Dit autrement : une personne = une histoire unique = un cadre de valeurs unique.
Il en découle une interprétation très subjective des valeurs et de ce qu’elles veulent dire.
Si vous voulez éviter des problèmes de valeurs, commencez par définir clairement une compréhension commune de ces valeurs. Pour cela vous devrez arrêter les définitions conceptuelles et les belles paroles pour passer à l’action concrète.
S’il est vrai qu’arborer des valeurs ça donne un côté symbolique qui en impose, on tombe trop vite dans les mots valise qui veulent tout dire et rien de particulier à la fois. C’est la porte ouverte aux beaux discours que chacun s’approprie à sa façon. Dit autrement, rien de bien efficace.
Chaque valeur dont être accompagnée de lignes d’action concrètes qui les représentent. De cette façon, vous indiquez à tous ce que ça veut dire, dans votre entreprise, d’incarner une valeur. Bien sûr, la porte reste ouverte aux interprétations subjectives individuelles qui voudront rajouter d’autres nuances à votre définition. Mais une chose est claire pour tout le monde, respecter une valeur chez vous ça veut dire exactement… [mettre ici les actions concrètes que vous avez définies].
Un voyage au centre du cœur
Toucher aux valeurs, c’est toucher le cœur. C’est le début d’une aventure partagée, d’un lien indéfectible qui réunit ceux qui se ressemblent. Les promesses sont grandes et les résultats à attendre aussi car quand vous êtes unis par ce genre de lien, plus rien n’est impossible. Mais les mots ne font pas les liens, seuls le temps, les actions, la cohérence et la congruence les créent. Remettre l’humain au centre de l’entreprise c’est redevenir vrai, le défendre et le prouver au quotidien. Les valeurs n’échappent pas à la règle. Comme tout ce qui est puissant, elles sont à traiter avec prudence et délicatesse extrêmes.