Une évidence qui change tout
J’ai découvert le développement durable quand j’avais 20 ans, dans le cadre de mes études. A la lecture de la définition du concept, j’ai eu un flash. Cela m’est apparu comme une évidence : comment était-il possible d’avoir une entreprise et de ne pas prendre en compte le développement durable ?
Comment générer de la valeur financière sans prendre en considération les ressources humaines et environnementales sur lesquelles l’entreprise s’appuie pour produire?
J’ai alors décidé de poursuivre mes études en me spécialisant dans le domaine. J’ai eu la chance d’étudier en école d’ingénieur avec un parcours mixte entre théorie, stages en entreprise et semestre d’échange au Québec où j’ai pu expérimenter plus concrètement cette notion de développement durable.
Ce flash a marqué le début de mon expérience : ma rencontre avec le développement durable. Une lumière sur mon chemin, une connexion qui a fait sens et m’a guidé pour la suite. Le fait d’appréhender le sujet de cette façon, en combinant apprentissage théorique, en école d’ingénieur et mises en situation à travers des ateliers et des prises de paroles en public, lors du semestre d’échange au Canada, m’ont donné confiance pour aller plus loin, en allant l’expérimenter aussi « dans la vraie vie », en entreprise.
Un face à face avec la réalité
J’ai ainsi été engagée chez Quiksilver, leader de l’industrie du surf, au département environnement : Quiksilver Initiative Europe. Durant les trois premiers mois, j’ai présenté à l’équipe de direction la notion de développement durable qui, à l’époque, en 2006, venait en contradiction avec la vision qu’en avait l’entreprise. Avec une gouvernance majoritairement américaine, le Groupe mettait en œuvre la notion de « charité » (de l’anglais charity).
C’est à dire que l’on ne remet pas en cause la façon dont on développe son activité mais on reverse une part de ses bénéfices à différentes causes environnementales et sociales. L’entreprise commençant, en Europe, à se voir solliciter sur le sujet par différentes parties prenantes (clients, média, consommateurs…), a vu mon arrivée comme une opportunité. Les 4 premières années ont été très intenses.
Nous avons réalisé les premières démarches d’éco-conception et analyse de cycle de vie (ACV), en 2008. Elles ont mené au projet Eco-circle, une ligne de vêtements en polyester recyclés et recyclables à l’infini. Durant 7 ans, j’ai ainsi travaillé pour les différentes marques du groupe. Cette belle et difficile expérience m’a permis d’obtenir, au milieu de différents échecs, et donc apprentissages, mes premiers beaux succès. En effet, pas à pas, l’entreprise a modifié ses lignes de produits et fait évoluer son activité. Une transformation de millions de pièces textiles équivalent à une réduction des impacts environnementaux intéressante.
“ J’ai dû déconstruire beaucoup de mes croyances avant de pouvoir rencontrer mes premiers succès”
La découverte de la vie en entreprise, de ses fonctionnements, la mise en œuvre du développement durable dans une organisation complexe et mes premières erreurs m’ont fait confronter mes intuitions à la réalité. J’ai dû déconstruire beaucoup de mes croyances avant de pouvoir rencontrer mes premiers succès. Je me suis souvent sentie découragée et trop naïve de penser que transformer les pratiques d’une entreprise déjà établie était possible, mais au fond, malgré les difficultés rencontrées, la passion me tenait au corps. J’avais envie de continuer, c’était plus fort que moi…
Un retour à soi
Mon expérience chez Quiksilver s’est brutalement arrêtée avec un plan social.
J’ai vécu cela comme un véritable échec. J’avais beau être reconnue comme travailleuse et compétente, cela n’était pas suffisant. J’en étais malade. J’avais d’ailleurs des symptômes corporels forts qui me faisaient penser que je pouvais l’être.
J’ai alors commencé à prendre plus de temps pour moi afin d’essayer de comprendre ce qui se passait dans mon corps. Mais plus je me donnais du temps et de la place et plus les symptômes étaient présents.
J’ai d’abord fait appel à la médecine moderne pour chercher à savoir ce que j’avais, mais ce n’était rien de concret pour les médecins. C’était donc rassurant d’un côté mais déroutant de l’autre.
J’ai alors cherché des réponses vers d’autres types de médecines comme la médecine chinoise ou l’ostéopathie qui m’ont apportée du réconfort, de nouvelles perspectives et la possibilité de vivre mon expérience différemment. Certains de mes symptômes ont commencé à diminuer.
La douleur et l’inconfort étaient toujours présents mais j’ai pu me remettre en mouvement et suivre un accompagnement qui m’a emmené à envisager la création de ma propre entreprise. Cette période très difficile a été le début d’une toute nouvelle expérience, celle de l’envol, de la prise de risque, de l’autonomisation.
Les échecs m’ont donnée des ressources et des clés pour monter en compétences sur le sujet du développement durable. Mon mal-être physique m’a permis d’entamer un retour vers moi-même et de commencer un travail plus profond de connaissance et de reconnaissance de mon essence. Cette passion qui m’anime conjuguée à ces nouveaux apprentissages m’ont donné le courage de passer à l’étape suivante.
L’entrepreneuriat : ma libération
Cela fait 10 ans cette année, que j’ai créé Sugarcane, ma propre agence de conseil en développement durable créatif où j’accompagne les organisations et, en particulier les entreprises, à intégrer la durabilité au cœur de leur modèle économique. Nous conjuguons la science et l’art pour transformer les organisations.
Durant ce parcours, j’ai eu la chance de faire évoluer mes premières intuitions en véritables convictions : le développement durable a le pouvoir de transformer à la fois les individus et les organisations et par là, la société. Cela ne s’est bien-sûr pas passé sans douleur mais c’est cette dernière qui m’a permis de me remettre en cause, d’évoluer et de grandir, de revenir au corps et de laisser s’exprimer mon féminin.
Un équilibre essentiel pour tous
Mon expérience du développement durable m’a donc conduite vers cette prise de conscience, ce retour à moi. Dans un premier temps, le retour à soi est plutôt très désagréable puisqu’il vient mettre en lumière ce qui ne va pas. Il est donc nécessaire d’être bienveillant avec soi-même. Ce qui nous apprend l’humilité et grâce à elle, il nous est possible d’être bienveillant avec les autres. Cet apprentissage de reconnexion à soi engendre donc également une meilleure connexion aux autres et à la nature. Dans mon cas, il m’a ouvert au sacré, à la spiritualité en me faisant réaliser que nous ne sommes qu’un, que les autres sont des facettes de nous-mêmes et qu’il n’y a de véritable changement que de l’intérieur.
Il me semble d’ailleurs que le défi de notre siècle soit la recherche de l’unicité c’est-à-dire à la fois l’unité et la vérité de l’être. Cela semble passer par la recherche de l’harmonie entre le masculin et le féminin. D’après les mots de Luis Ansa, initiateur de la voie du sentir, « La partie masculine n’est ni mauvaise ni bonne, elle est ce qu’elle est. Elle exécute, elle structure, elle matérialise les choses. Le féminin, c’est un autre monde. Le féminin est accueil, captation, intériorisation, résonance. »
Nous sommes tous, à des degrés divers, un équilibre de féminin et de masculin. Ce n’est donc pas une question de genre. Que l’on soit une femme ou un homme, si nous voulons sortir de cette violence quotidienne dans laquelle beaucoup d’entre nous vivent, que ce soit à la maison, au travail, ou avec nous-même, il est important de tourner notre regard vers l’intérieur. Écouter nos ressentis, apprendre de nos émotions pour équilibrer nos polarités. Chercher à l’intérieur de nous l’expérience de la paix pour pouvoir la matérialiser à l’échelle de la société.
Mais que serait l’expérience sans la résilience ? Cette faculté à surmonter les chocs traumatiques. Ce pas de côté qui permet de mettre un peu de distance avec la douleur.
Cet élan de vie qui nous aide à trouver la sagesse de voir les situations difficiles comme des apprentissages, des expériences qui viennent nous reconnecter, à chaque fois, un peu plus à nous-même. Cette capacité à nous reconstruire et à nous réinventer, à la fois aux niveaux individuel et collectif.
Ces événements que nous vivons depuis plusieurs années déjà, d’enchainement de crises, de pandémie, de catastrophes naturelles, de guerres peuvent-ils être les traumas qui nous aident, en tant qu’individu mais aussi en tant que société à nous retrouver, à retrouver notre essence, notre humanité profonde ?
La conjugaison de nos différentes expériences peut-elle nous amener à repenser nos façons de vivre ensemble pour créer quelque chose de nouveau ?
Mon développement durable, un pas vers l’unicité
Ces différentes étapes constituent mon expérience du développement durable. L’accès à l’information a entraîné le développement de mes connaissances faisant appel à mon masculin.
L’expérimentation, elle, a permis de transformer les connaissances en savoir. Les erreurs et les échecs ont été de véritables apprentissages dans le corps, une connexion intérieure, à mon féminin.
La conjugaison de ces différents savoirs est devenue une expertise qui m’est personnelle, comprenant aussi bien les savoir-faire que les savoir-être, les connaissances mentales que les apprentissages physiques (union du féminin et du masculin).
C’est devenu ma vérité, mon chemin vers l’unicité.