Que nous transmet l’expérience du bon sens paysan? Quelles leçons en tirer dans notre société contemporaine ?
Quand je parle de bon sens paysan, je pense à mon grand-père. Je trouve beaucoup de similitudes entre sa façon de gérer son exploitation agricole à l’époque et la notion de performance globale aujourd’hui. Mon grand-père ne faisait qu’avec les moyens qu’il avait. Avec peu, il est arrivé à mener une exploitation agricole, à élever 4 enfants qui ont tous eu le bac, je te parle de cela, il y a 50-70 ans ! Je tire de lui une notion d’humilité, très importante à mes yeux. Et puis aussi, le respect de son environnement, que ce soit la nature ou les hommes et femmes qui l’entourent. Il faisait de la polyculture, il faisait aussi bien des légumes que des poules, des brebis ou des vaches… Il ne mettait pas tous les œufs dans le même panier. C’est tout simple, mais c’est un principe important pour la pérennité d’une entreprise. Il faisait lui-même, à la fois la production, la transformation mais aussi la vente sur le marché de Bayonne. Cet apprentissage du bon sens me sert chaque jour dans ma vie de dirigeant.
C’est quoi, à tes yeux, le nouveau leadership?
Un leader, c’est quelqu’un qui est inspirant, non pas par sa personnalité ou son égo, mais par le sens qu’il apporte à ce qu’il fait tous les jours. Ce qui fait qu’il se lève tous les matins ! Moi, j’assume pleinement la vision qui est la mienne, je peux me tromper, mais j’y vais ! Je crois que c’est cette détermination qui me permet d’embarquer chaque partie prenante de mon entreprise dans l’aventure.
Quelle valeur donner à l’expérience pérenne à une époque où tout est immédiat et éphémère?
Créer une entreprise, selon moi, c’est un acte militant, c’est un acte politique. Je crois en la nécessité de tout un chacun de s’engager, mais pas de manière personnelle, s’engager pour le collectif. Je crois d’ailleurs que ça devrait être un devoir pour chacun d’entre nous. Je crois tellement à mon territoire et au modèle social agricole duquel je suis issu que je fais tout pour le pérenniser. Pérenniser un modèle, c’est aussi prendre le contre-pied de ce “il faut tout changer”. C’est à dire, OK on va peut-être réadapter certaines choses, mais on va faire perdurer ce modèle et assumer son rôle sociétal sur le territoire en valorisant les hommes, la terre et les ressources qu’elle nous donne.
D’où te vient l’inspiration de tes innovations et réussites au sein de Bastidarra?
Alors, la première chose, quand j’ai démarré l’activité, j’avais zéro client donc aujourd’hui, j’ai pleinement conscience que c’est pour lui que je travaille. La culture client fait partie des valeurs qu’on a identifiées ici très clairement. Nous avons, comme les autres, des concurrents. Ils nous font du bien. Je suis aussi curieux, je n’aime pas la routine, j’aime la nouveauté, surprendre, aussi bien les clients que les collaborateurs. Je pense que c’est vital. C’est quelque chose de fort en moi. D’où ça me vient, je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c’est que si on n’avance pas, on recule ! 🙂
Comment fais-tu pour surprendre?
Je regarde ce qui se fait ailleurs. Aussi bien sur les parties sociales que sur l’activité technique. Par exemple, nous créons actuellement une nouvelle activité. Je suis allé m’inspirer de ce qui se faisait au Québec, parce qu’ils ont une façon de penser différente. J’aime casser les codes. Être différent, c’est attirer l’attention de nos clients. Chez Bastidarra, l’amélioration continue collective fait partie de notre ADN. Quiconque entre dans l’entreprise peut participer à son niveau à son amélioration.
Quelle place donnes-tu à l’expérience dans ta vie et dans ton entreprise, alors?
Ici (dans l’entreprise), je leur parle beaucoup d’expérimentation. Il n’y a pas d’âge pour expérimenter. L’expérimentation peut aider à la prise de confiance en soi, au développement de l’autonomie, à la réalisation de soi. Expérimentons avant de tirer des conclusions ! Cela fait aussi progresser le collectif.
Je crois savoir que tu es sportif. Et le sport dans tout ça?
Je suis une personne qui doute beaucoup. Le doute est à la fois paralysant et pour moi, un moteur pour avancer. J’aime bien les défis. Je fais du sport depuis longtemps. J’ai réalisé avec le port, qu’avec du travail, de l’expérience, on pouvait réaliser des choses qui paraissent au départ extraordinaires : courir 10 km, 21 km, 42 km ou 100 km, c’est possible ! Ces expériences que j’ai vécues personnellement m’ont permis de réaliser que j’étais capable de me surpasser. Mais ça ne se fait pas n’importe comment. Il faut se préparer, il faut travailler !
C’est un peu comme le défi que tu t’es imposé pour obtenir le label RSE? Un peu fou d’avoir obtenu dès la 1ère année, le plus haut niveau de labellisation ! Vous êtes peu nombreux à avoir réussi un tel challenge…
Nous sommes, depuis peu, labellisés RSE engagée, niveau exemplaire, dès le 1er audit. Sacré défi, c’est vrai. Parce qu’au-delà de tout ce qu’on dit, ces labels-là nous permettent de prouver et de récompenser le fruit de notre travail. Mais ce n’est pas que ça. C’est pour nous, un outil de progrès. Nous engager dans cette démarche nous a fait progresser sur certains points sur lesquels on était encore un petit peu fragiles. Un label, c’est certes beaucoup de formalisme, mais c’est surtout la clarification de notre vision. C’est un véritable outil d’amélioration continue qui nous aide aujourd’hui à piloter l’entreprise en la structurant. On le fait pour progresser et pas pour mettre un macaron ou une étoile de plus sur notre poitrine ! Et puis ce label, c’est aussi le retour au bon sens paysan dans nos pratiques… La boucle est bouclée !