“Je suis en vie parce que j’ai peur”
Greg Long est Champion du Monde de surf de grosses vagues. En 2012, à 90 miles des côtes californiennes, à Cortes Banks, un enfer s’abattit sur lui. Assailli par une série de vagues de 15 mètres, il resta 6 minutes sous l’eau. Revenu à la surface, on le croyait mort. Son retour à la vie fut un miracle. Habitué des sessions extrêmes, il ne cesse de rappeler : “Si je suis en vie, c’est parce que j’ai peur”. On a tendance à croire que ces hommes et femmes au semblant stoïque qui affrontent les pires adversités, sont coulés dans un moule qui ignore l’odeur de la peur. Mais c’est faux. “Nous avons tous peur,” nous rappelle Long. La peur est leur meilleure conseillère car elle les maintient alerte dans la mesure du risque. “Je crains le jour où je n’aurai plus peur car ce jour là je pourrais devenir inconscient des risques que je prends”... Et payer le prix fort..
“Au premier coup de rame, la peur disparaît”
Eric Rebière fut le premier français de l’histoire à se qualifier pour la ligue élite du Championnat du Monde de Surf mais, s’il a excellé en compétition durant sa carrière, son dada a toujours été le gros surf. Ayant fait équipe avec Benjamin Sanchis jusqu’à la fin de sa carrière, ils ont rêvé ensemble de surfer, à Nazaré (Portugal), la vague mythique de 100 pieds. Et ce rêve est devenu réalité.
Quand questionné sur son rapport à la peur, il explique : “Je suis transi de peur au pic, mais au premier coup de rame, la peur disparaît. Si je donne un premier coup de rame je ne pense plus qu’à l’action, plus rien ne compte si ce n’est dévaler ma vague. A ce moment, la peur cesse d’exister”. La neuroscience lui donnera raison. Lapeur précède l’action, comme un puissant moyen de nous prévenir du risque. Mais une fois l’action engagée elle cesse d’agir pour laisser la place à la performance. Les sens et les aptitudes sont au sommet, car la seule chose qui compte est de s’éloigner du risque.
Visualiser jusqu’à la perfection
Mads Jonsson (NOR) et Nicolas Watier (FRA) ont longtemps cherché à battre les records Guiness et du monde des sauts en snowboard de hauteur et de longueur. Nicolas était mon associé, tout comme Xavier Marcou (FRA), qui compléta les propos ici recueillis. “Quand j’approche le point de décollage, j’atteins des pics à plus de 100km/h. A cette vitesse, la pression de l’air est telle qui la moindre erreur de positionnement impacte la trajectoire et l’accident est assuré. Avec des sauts d’une telle dimension, en cas d’erreur, c’est l’hôpital ou la fin de ta carrière par blessure,”expliquait Mads, quelque jours après avoir battu l’un de ces records. “A chaque instant, je sais exactement ce qu’il va se passer. Je maîtrise chaque millimètre de ma trajectoire. Absolument rien n’est laissé au hasard et si je ne le sens pas : je n’y vais pas, quelles que soient les conséquences pour les sponsors, les médias et autres personnes d’influence réunies,”complétait Nicolas.
Puis, Xavier partagea le secret qui était le leur : “Au départ de la prise d’élan, je visualise le saut. Il me suffit d’une descente pour savoir anticiper l’impact de la vitesse, de la neige, de son humidité, de la compression et l’influence de chaque geste sur la trajectoire… Je le sais avec une précision chirurgicale. C’est le métier qui fait ça. Du départ à la réception, je visualise chaque instant et chaque geste. Il faut que je sente tout. Au début, je le fais au ralenti, après à vitesse normale. Il faut que je sois en mesure de plaquer à la perfection, trois fois de suite, puis de sentir la joie exploser en moi en fin de figure. Si à cet instant, je me sens en paix, je sais que je suis prêt. Sinon, à la moindre aspérité, je recommence tout. Je m’impose trois exercices parfaits de suite. Et si j’y parviens, la seconde d’après, d’un geste, je préviens tout le monde et je pars, sans laisser la moindre place à la réflexion. Le passage à l’action évite que le doute s’instaure.”
La peur n’a de limite que dans la préparation
Justine Dupont est la française la plus connue et reconnue du monde du surf. Installée à Nazaré, elle fait équipe avec son compagnon, Fred David, elle cumule records au féminin et prix les plus prestigieux en affrontant les vagues les plus dantesques de la planète. “Les gens pensent que nous sommes fous, que nous prenons des risques inconsidérés mais ils ne mesurent pas l’intensité de la préparation requise pour faire face à ces moments de grâce éphémères.
Nous sommes très conscients du risque et des conditions dans lesquelles nous l’affrontons. Rien n’est laissé au hasard. Tout est finement calculé. Ce sont des milliers d’heures d’entrainement qui nous permettent d’atteindre ces niveaux de précision. Celui qui ne s’impose pas ça est un inconscient. La peur sera toujours là, mais quand vous êtes bien préparé, vous savez que vous avez les ressources en vous. A cet instant, ce qui vous prend aux tripes est l’envie de réussir l’exploit. Tous ces sacrifices n’ont de sens que pour ça.”
Pas à pas, toujours au bon endroit
Roch Malnuit a cumulé deux passions extrêmes dans sa vie : le snowboard de pente raide, avec lequel il a signé plusieurs premières dans les hauteurs de Chamonix, et le BASE jump. Il est le fondateur de la première école de BASE de France et la plus réputée au demeurant.
Affronter le risque seul est une chose. Mais emmener des individus sauter volontairement d’une falaise pour la première fois avec une voile sur le dos, en est une autre ! “Pour durer, la notion de risque doit être mesurée et ponctuelle.” Après, il rajoute : “Il y a deux zones très délicates. Le début, où l’on ne connaît pas et on peut faire des erreurs qui peuvent coûter cher. La zone de la fin, où l’on pense qu’il ne nous est jamais rien arrivé pendant 20 ans, qu’on a les réflexes et où l’on se pose moins de questions car on l’a fait 10.000 fois. Alors on pêche par manque de vigilance. Entre les deux on est toujours dans l’apprentissage, on cherche toujours des réponses, on se pose des questions, du coup on est beaucoup plus conscient.” Et après, il nous distille la précision chirurgicale de sa méthode d’enseignement (pour rappel, il emmène des personnes à sauter volontairement d’une falaise !). Tout est question de cadre… et d’étapes finement ciselées.
“C’est le secret de la confiance en soi.”
Et le liant qui rend le tout possible est…
Il nous manque deux éléments, inséparables et essentiels à la fois :
- intelligence émotionnelle
- maîtrise de l’énergie
La première c’est apprendre à connaître vos émotions, la peur comme les autres, et savoir agir en leur présence. Ça s’apprend.
La deuxième c’est savoir utiliser votre énergie pour maximiser, avec efficience, le résultat escompté, dans l’action comme dans les relations. Ça s’apprend aussi.
Quand les deux se rencontrent, 1+1=3. Vous découvrez alors comment dissocier l’énergie émotionnelle, d’une puissance surhumaine, du message qu’elle véhicule (doute, ruminations, etc.). Arrivés à ce stade, exploit et résultat ne font plus qu’un. Et c’est là que l’on se surprend à rêver. “Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir appliquer ça dans ma vie/mes projets/mon entreprise !” La crise qui s’abat sur nous ne demande pas moins…
Mais c’est possible.
Toutes ces pépites décortiquées, modélisées et appliquées en une méthode unique, développée par et pour des leaders-dirigeants de tout âge et niveau.
Note importante : les propos ont été retranscrits avec rigueur d’après les souvenirs de l’auteur. Ils sont fidèles à la transmission mais les mots exacts peuvent ne pas être ceux cités dans l’article.